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Peau aime

"Peau aime" n'est pas à proprement parler une chanson mais un texte à rimes sur la soit-disante vie du chanteur vraisemblablement enregistré lors d'un de ses premiers concerts. Du début à la fin, l'auditeur est emmené sur toutes les fausses pistes possibles et imaginables, sur les sentiers de la démystification totale.

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J'ai garé ma mobylette
devant l'entrée des artistes,
j'ai laissé la porte ouverte,
pour avoir un oeil sur elle.
Y faudrait pas qu'on profite
que j'suis en train d'vendre ma cam'lote
pour s'débiner sur ma chiotte !
J'ai beau mettre des antivols,
Ça fait la neuvième qu'on m'pique,
Ça fait la onzième que j'vole.
Quoi ! Qui c'est qui dit qu' c'est pas vrai ? Toi ?
Bah t'as raison, mon pote !
J'ai jamais eu d'mobylette,
ou alors quand j'étais p'tit
et j'l'avais achetée avec
les ronds d'mes économies.
Laisse béton,
j'démystifie.
Non, maintenant j'ai une Harley,
une grosse qu'a un grand guidon,
une grande fourche, une grande roue,
un grand trou dans mon budget.
Ma bécane, c'est comme un ch'val.
Ça tombe bien, j'suis conçu pour.
Elle est faite pour épouser la forme
de mes jambes arquées.
Sans blague, t'avais pas r'marqué ?
Avec elle j' suis un cow-boy,
j'suis shérif dans mon quartier.
Porte d'Orléans, j'fais la loi,
par ici on y croit pas.
Dans l'quartier, on m'traite de goy
(c'était pour rimer avec cow-boy),
et tous les apaches de Paris
qui m'voient passer sur ma bête,
Y s'fendent la gueule, c'est pas gentil.
Laisse béton,
j'démystifie.
J'ai laissé mon Perfecto
là derrière, dans la coulisse,
accroché au portemanteau,
et pis j'ai eu peur qu'y glisse
entre les doigts du taulier,
que, bien qu' ce soit un brave mec,
il aimerait bien m'le chouraver,
Alors j'viens sur scène avec !
Là, j'ai un insigne SS,
l'initiale de ma gonzesse,
que c'est même pas ma gonzesse,
c'est la femme à mon copain,
que c'est même pas mon copain,
parce que moi, j'ai pas d'copains,
pas d'amis, pas d'parents,
pas d'relations.
Ma famille, c'est la prison,
Mon copain, c'est mon blouson,
c'est mon surin.
Quoi ! Qui c'est qui dit qu'c'est pas vrai ? Toi ?
Bah t'as raison, mon pote !
Des copains, j'en ai des tonnes,
toutes les nuits, dans tous les rades,
tous les paumés, tous les ivrognes,
tous les fous, tous les malades,
qui, devant un perroquet,
une Kanter ou un p'tit joint,
s'déballonnent dans un hoquet,
et r'font l'monde à leur image.
Tous ces mecs, c'est mes copains.
Eh ! Touche pas à mon copain !
Sors dehors, si t'es un homme !
Moi, dans ces cas là, j'sors pas.
Dans ma tête, j' suis pas un homme,
dans ma tête, j'ai quatorze ans,
dans les muscles aussi, d'ailleurs.
J'parlais... des muscles des bras.
Eh ! Tu veux m' casser la tête ?
Eh ben ! Qu'est-ce t'attends, vas-y !
Laisse béton,
j'démystifie.
Sur l'bras droit, j'ai un tatouage,
Y'a une fleur, y a un oiseau,
qui s'envol'ra plus jamais,
Pis y'a l' prénom d'une souris,
une souris qu'est tellement belle
Qu'y faudrait qu'j'm'appelle Verlaine
pour trouver les mots qu'y faut
pour vous la décrire un peu.
Mais j'vais essayer quand même :
dans ses yeux, y a tant d'soleil
que quand elle me regarde, je bronze.
Dans son sourire, y'a la mer
et quand elle me parle, je plonge.
Quand j' s'rai grand,
on s' mariera,
pis on aura plein d'enfants,
même que ce s'ra un garçon,
même qu'y s'appellera Pierrot.
Eh ! Laisse-moi fermer les yeux,
ouais, laisse moi rêver un peu.
Sur l'bras gauche, y' en a un autre,
Un poulbot qu'a une gueule d'ange
et qui joue d'l'accordéon,
pis en d'ssous, y'a mon prénom.
Euh, y'en a qu'ça dérange ?
Dans l'dos j' voulais faire tatouer
un aigle aux ailes déployées.
On m'a dit : Y a pas la place,
non, t'es pas assez carré,
alors t'auras un moineau.
Eh ! Y'a des moineaux rapaces.
Ça t'fait marrer mes conneries ?
Laisse béton,
j' démystifie.
Bon c'est l'heure, moi j'ai fini.
J'vous vois tout à l'heure au bar,
J'vais m'jeter un p'tit Ricard,
Et ça, c'est pas des conneries.
  • Année
    1978
  • Auteur
    Renaud Séchan