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La teigne

À première vue, la chanson rappelle un peu l'album Amoureux de Paname même si le style a évolué depuis les premiers textes. Placé entre deux futurs grands tubes, ce moment de tendresse qui s'attarde sur la vie d'un petit teigneux malheureux offre étrangement une cohérence à l'ensemble de l'album.

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L'était bâti comme un moineau
qu'aurait été malade.
A la bouche, derrière son mégot,
y'avait des gros mots en cascade.
L'était pas bien gros, c't'asticot,
mais c'était une vraie boule de haine,
on y filait plein d'noms d'oiseaux.
Même ceux qui l'connaissaient qu'à peine
l'app'laient la teigne.
Il avait pas connu ses vieux,
il était d'l'Assistance,
ce genre d'école, pour rendre joyeux,
c'est pas exactement Byzance.
D'ailleurs on lisait dans ses yeux
qu'pour qu'y soit bien fallait qu'on l'craigne,
si tu rentrais pas dans son jeu,
putain ! c'que tu r'cevais comme beignes,
c'était une teigne.
Avec les gonzesses, les mich'tons,
l'était encore plus vache :
j'te pique tes sous, j'te fous des gnons,
tu tombes amoureuses et j'm'arrache.
Pour sa p'tite gueule, ses poings d'béton,
plus d'une se s'rait jetée à la Seine,
elles lui parlaient d'amour, d'passion,
y répondait pas des châtaignes,
c'était une teigne.
L'avait pas fêté ses vingt berges
quand, une nuit de novembre,
on l'a r'trouvé, raide comme un cierge,
pendu au beau milieu d'sa chambre.
Si y'a un bon Dieu, une Sainte Vierge,
faut qu'ils l'accueillent à leur enseigne,
parc'qu'avant d'passer sur l'autr'berge
y m'avait dit personne ne m'aime,
j'suis qu'une pauv'teigne.
Mais moi qui l'ai connu un peu,
quand parfois j'y repense,
putain ! c'qu'il était malheureux,
putain ! c'qu'y cachait comme souffrance
sous la pâle blondeur de sa frange,
sans ses yeux tristes, dans sa dégaine.
Mais j'suis sûr qu'au ciel c'est un ange,
et quand j'pense à lui mon coeur saigne.
Adieu la teigne...
  • Année
    1979
  • Auteur
    Renaud Séchan
  • Compositeur
    Renaud Séchan